Date :
22.04.2025
Catégorie :
Immobilier et valorisation
Auteur :
Sophie Imbault
Chapitres :
Article

Domanialité publique : quelles marges de manœuvre pour les projets immobiliers ?

Domanialité publique et opérations immobilières : un cadre particulier

Les collectivités sont propriétaires d’un patrimoine foncier et immobilier important. Lorsqu’elles souhaitent en faire un levier de valorisation — accueil d’activités économiques, projets immobiliers, rénovation urbaine — elles se heurtent à un cadre juridique spécifique : celui de la domanialité publique.

Un statut protecteur mais contraignant

Un bien relevant du domaine public est inaliénable, imprescriptible, et son usage est encadré. Il ne peut être vendu, loué librement ni transformé sans conditions. Ce régime vise à garantir l’affectation du bien à un usage public ou à un service public, ce qui limite les possibilités de développement immobilier classique.

Quand un projet immobilier croise la domanialité

Des projets comme la construction d’un hôtel sur un port public, d’un centre commercial adossé à une gare ou d’un immeuble de bureaux sur une friche ferroviaire imposent de jongler entre logique domaniale et opération immobilière. Identifier le régime juridique du foncier est alors un point de départ indispensable.

Qualifier le régime juridique du foncier

Tout projet commence par une analyse du statut du terrain ou de l’immeuble concerné.

Domaine public ou privé ?

Un bien appartient au domaine public s’il est affecté à l’usage direct du public ou à un service public, et s’il fait l’objet d’un aménagement indispensable à cette affectation. En dehors de ces critères, il relève du domaine privé. Cette qualification conditionne les droits de la collectivité et les modalités de contractualisation avec les opérateurs.

Conséquences pratiques

Sur le domaine public :

  • pas de vente possible,
  • pas de bail classique,
  • nécessité d’une autorisation d’occupation temporaire (AOT),
  • obligation de respecter les principes de précarité et de révocabilité.

Sur le domaine privé :

  • possibilité de vendre, de donner à bail, d’autoriser la construction,
  • contrats de droit privé (baux emphytéotiques, à construction, etc.),
  • marges de négociation plus larges pour la collectivité.

Utiliser les bons outils juridiques

Les collectivités disposent de plusieurs leviers pour permettre la valorisation de leur patrimoine, en fonction du régime du bien concerné.

Sur le domaine public : AOT ou COT

Les autorisations d’occupation temporaire permettent à un opérateur privé d’occuper un bien du domaine public, en contrepartie d’une redevance. Ces autorisations peuvent être assorties de droits réels (AOT avec droits réels), permettant la construction d’un ouvrage par le titulaire. Elles restent précaires et révocables, ce qui limite leur intérêt pour des projets immobiliers de long terme, sauf à bien encadrer leur durée et leur renouvellement.

Sur le domaine privé : baux spécifiques

Les collectivités peuvent recourir à :

  • des baux emphytéotiques : longue durée (18 à 99 ans), permettant la construction et l’exploitation par un tiers,
  • des baux à construction : en contrepartie de la construction d’un immeuble,
  • des baux civils ou commerciaux selon l’usage prévu.

Ces montages offrent une sécurité juridique renforcée aux investisseurs, facilitent le financement et permettent de fixer des conditions économiques précises.

Sécuriser la procédure d’attribution

Les collectivités doivent respecter les grands principes de la commande publique et du domaine public, même en l’absence de marché au sens strict.

Obligation de mise en concurrence

Lorsqu’un projet implique l’occupation privative du domaine public (par exemple pour une activité économique), il est nécessaire de publier un appel à manifestation d’intérêt (AMI) ou un appel à projets, afin de respecter le principe d’égalité d’accès aux ressources publiques (CE, 2017, Société Armor SNC).

Les critères de sélection

L’AMI doit préciser les critères d’attribution : pertinence du projet, faisabilité technique, garanties financières, respect de l’environnement, compatibilité urbanistique... Cette mise en concurrence sécurise juridiquement la procédure et renforce la transparence.

Articuler domanialité et documents d’urbanisme

La réussite d’un projet de valorisation dépend aussi de son intégration dans les documents de planification.

Compatibilité avec le PLU

Tout projet immobilier doit être compatible avec le Plan local d’urbanisme. Cela implique :

  • une analyse des zonages,
  • des règles de constructibilité,
  • des servitudes éventuelles (espaces boisés, inondation, etc.).

En cas d’incompatibilité, une procédure de modification ou de mise en compatibilité du PLU peut être nécessaire.

Intégration dans la stratégie foncière

Le projet doit s’inscrire dans une stratégie foncière cohérente : schéma directeur immobilier, plan de valorisation patrimoniale, ou stratégie urbaine plus large. Cela permet de donner du sens au projet et de justifier les choix opérés vis-à-vis des élus et des citoyens.

Anticiper la gestion, la fiscalité et la sortie

Une opération immobilière s’étale souvent sur plusieurs années. La collectivité doit en anticiper toutes les étapes.

Entretien et gestion du bien

Le contrat conclu avec l’opérateur doit définir les responsabilités : entretien, exploitation, sécurité, accès. Des clauses de contrôle ou d’évaluation peuvent être insérées pour garantir un suivi dans le temps.

Fiscalité et recettes

Les redevances d’occupation ou les loyers perçus peuvent générer des recettes pour la collectivité, mais aussi des obligations fiscales. Il convient d’anticiper la TVA, la fiscalité locale, et le traitement des recettes au regard des règles budgétaires.

Fin de contrat et réversibilité

À l’issue du contrat, la collectivité doit retrouver un bien conforme, en bon état, et libre de toute charge. Des clauses de remise en état, de transfert de propriété ou de démolition doivent être prévues dès la rédaction du contrat.

Conclusion

La valorisation immobilière sur domaine public nécessite une approche juridique rigoureuse. Statut du bien, outils contractuels, règles de concurrence, articulation avec l’urbanisme : chaque étape mérite une attention particulière. Bien structuré, ce type de projet peut permettre aux collectivités d’activer leur patrimoine, de renforcer leur attractivité et de générer des ressources nouvelles, sans renoncer à l’intérêt général.

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