Date :
03.04.2025
Catégorie :
Commande publique
Auteur :
Benoit Perrineau
Chapitres :
Article

Contrats publics et transition énergétique : comment intégrer les objectifs climat

La commande publique comme levier de transition

Les achats publics représentent près de 10 % du PIB français. Utilisés stratégiquement, ils peuvent orienter les pratiques du marché vers des modèles plus durables.

Une évolution du cadre réglementaire

Le droit de la commande publique intègre de plus en plus explicitement des exigences environnementales. Le Code de la commande publique prévoit désormais que les acheteurs doivent prendre en compte des objectifs de développement durable dans la définition de leurs besoins et dans les critères d’attribution des marchés.

Un enjeu stratégique pour les collectivités

Les collectivités locales sont responsables d’une part importante des achats publics : construction, restauration scolaire, gestion des déchets, voirie… En intégrant des critères liés à la transition énergétique, elles peuvent influer directement sur les pratiques des fournisseurs et réduire l’empreinte carbone de leurs politiques publiques.

Intégrer les objectifs climat dès la définition du besoin

La prise en compte de l’impact environnemental doit intervenir dès l’amont du marché.

Réévaluer les besoins

Avant même de lancer une procédure, l’acheteur public doit s’interroger sur la nature réelle du besoin :

  • Peut-on mutualiser les achats ?
  • Peut-on recourir à un usage plutôt qu’à une propriété (logique servicielle) ?
  • Le produit ou service existe-t-il en version moins carbonée ?

Cette approche permet d’éviter la surconsommation et de privilégier des solutions sobres ou circulaires.

Rédiger un cahier des charges précis

Le CCTP peut imposer des exigences de performance environnementale : matériaux biosourcés, consommation énergétique maximale, recyclabilité, méthode de production, empreinte carbone du transport, etc. Il est également possible d’imposer des labels ou des certifications, à condition qu’ils soient justifiés et non discriminatoires.

Mobiliser les critères environnementaux dans l’attribution des marchés

Les objectifs environnementaux peuvent influencer le choix du titulaire.

Critères d’attribution liés au développement durable

Le Code de la commande publique autorise les acheteurs à utiliser des critères liés à la performance environnementale. Cela peut concerner :

  • la qualité technique liée à l’environnement,
  • la durée de vie du produit,
  • la capacité à réduire les déchets,
  • les engagements du candidat en matière de bilan carbone ou d’écoconception.

Ces critères doivent être liés à l’objet du marché et respecter les principes de proportionnalité et de non-discrimination.

Méthodes de notation et pondérations

Il est recommandé d’expliciter clairement les sous-critères, les méthodes de notation et leur pondération relative. Une pondération spécifique pour les aspects environnementaux (ex : 20 % à 30 %) permet d’envoyer un signal fort tout en maintenant une évaluation globale équilibrée.

Encadrer l’exécution du contrat pour garantir les engagements

L’impact réel d’un marché se joue pendant son exécution.

Clauses d’exécution à portée environnementale

Le contrat peut imposer des modalités d’exécution conformes à une logique durable :

  • interdiction de certains matériaux,
  • limitation du transport routier,
  • obligation de recyclage ou de réemploi des déchets,
  • suivi des émissions liées au marché.

Ces clauses doivent être précises et faire l’objet d’un contrôle en phase d’exécution.

Suivi et vérification

L’acheteur peut exiger des rapports réguliers, des indicateurs chiffrés ou des audits environnementaux. Des pénalités peuvent être prévues en cas de non-respect des engagements. Il est également possible de prévoir des primes à la performance si les objectifs sont dépassés.

Choisir les bons outils contractuels

Certains types de contrats sont plus favorables à l’intégration de critères climat.

Marchés globaux de performance

Ces contrats permettent d’associer travaux, maintenance et résultats mesurables (notamment en matière énergétique). L’opérateur est ainsi responsabilisé sur la durée et incité à garantir des gains concrets.

Dialogue compétitif et innovation

Dans les projets innovants ou complexes, le dialogue compétitif permet de co-construire avec les opérateurs une solution optimisée, intégrant des dimensions environnementales fortes. Ce mode de passation favorise l’émergence de propositions audacieuses.

Allotissement et accessibilité aux PME vertes

Un allotissement bien pensé permet de favoriser l’accès de petites entreprises innovantes, souvent plus avancées sur les pratiques écologiques. Cela renforce la concurrence tout en encourageant l’innovation locale.

Anticiper les contraintes juridiques et les contentieux

L’intégration d’objectifs environnementaux doit rester juridiquement maîtrisée.

Risques de discrimination ou de rupture d’égalité

Des critères mal rédigés, trop flous ou sans lien direct avec l’objet du marché peuvent être annulés. Il est essentiel de motiver chaque exigence, de s’appuyer sur des standards reconnus, et de permettre à tout candidat de répondre avec des équivalents.

Encadrement européen et jurisprudence

Le droit européen encadre les clauses environnementales : elles doivent être objectivement justifiées, accessibles à tous les candidats, et ne pas fausser la concurrence. La jurisprudence récente montre que les clauses dites "écolos" sont acceptées si elles sont bien fondées.

Conclusion

Faire de la commande publique un outil de transition énergétique suppose de repenser la définition des besoins, la rédaction des marchés, le choix des titulaires et le suivi des engagements. Les leviers existent, les outils sont solides, mais leur mobilisation exige rigueur, cohérence et expertise. En maîtrisant ce cadre, les acheteurs publics peuvent devenir de véritables acteurs du climat.

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