Date :
29.04.2025
Catégorie :
Environnement et énergie
Auteur :
Sophie Imbault
Chapitres :
Article

Comment encadrer juridiquement les projets d’énergie photovoltaïque sur terrains publics ?

Le développement du solaire sur foncier public : une tendance forte

Face à la nécessité d’augmenter la production d’énergie renouvelable, les collectivités locales sont devenues des acteurs clés de la transition énergétique. Le développement de centrales photovoltaïques sur des terrains publics, friches, parkings ou bâtiments municipaux, représente une opportunité stratégique.

Une pression réglementaire en faveur du solaire

Le cadre national impose un développement accéléré du solaire. La loi APER (accélération de la production d’énergies renouvelables, 2023) et les objectifs européens renforcent les obligations de production locale. Les zones d’accélération des énergies renouvelables (ZAEnR), définies par les collectivités, visent à faciliter l’implantation de projets.

Un foncier public mobilisable

Les terrains publics (friches industrielles, anciens sites militaires, parkings publics, toitures de bâtiments) présentent un fort potentiel d’accueil. Mais leur mobilisation suppose de respecter des règles juridiques précises liées à leur statut domanial et à l’encadrement des relations avec les porteurs de projets privés.

Qualifier le terrain : domaine public ou privé ?

La première étape consiste à qualifier juridiquement le terrain pressenti pour le projet.

Les conséquences du régime domanial

Un terrain relevant du domaine public ne peut être cédé librement ni mis à disposition sans encadrement strict. Il doit répondre aux critères de l’affectation à l’usage direct du public ou au service public. À l’inverse, un bien du domaine privé de la collectivité peut faire l’objet de baux classiques ou de conventions de mise à disposition plus souples.

L’impact sur les contrats possibles

Si le terrain est dans le domaine public, les autorisations d’occupation doivent prendre la forme de COT ou AOT, strictement encadrées. Leur durée, leur exclusivité et leurs contreparties doivent être justifiées. Un terrain du domaine privé permet d’envisager des baux emphytéotiques, des baux à construction ou des conventions plus classiques, notamment en cas d’autoconsommation collective ou d’exploitation par un tiers investisseur.

Choisir le bon outil contractuel

Une fois le régime du terrain établi, la collectivité doit choisir l’outil juridique adapté pour accueillir le projet photovoltaïque.

L’autorisation d’occupation du domaine public (AOT/COT)

Si le terrain est dans le domaine public, l’AOT est l’outil standard. Elle permet de concéder l’occupation à un opérateur contre redevance. Elle ne confère pas de droits réels et reste révocable dans certaines conditions. Le contrat doit encadrer les obligations de démantèlement, la propriété des installations et les modalités de contrôle.

Le bail emphytéotique ou à construction

Sur domaine privé, le bail emphytéotique offre un droit réel au preneur, pour une longue durée (jusqu’à 99 ans), avec une liberté de construction et d’exploitation. Il permet à l’opérateur de financer l’installation via un modèle économique solide, tout en sécurisant son investissement.

La concession ou le marché de services

Dans certains cas (rémunération par l’administration, intervention sur un ouvrage public), le projet peut relever de la commande publique. Il faudra alors vérifier si les conditions de recours à un marché ou à une concession sont réunies, ce qui suppose une analyse préalable rigoureuse.

Encadrer la procédure de sélection du porteur de projet

Les collectivités ne peuvent pas attribuer un terrain public sans respecter des principes de transparence.

La mise en concurrence obligatoire

Même hors commande publique, l’octroi d’un droit d’occupation privatif sur le domaine public doit être précédé d’une procédure de publicité et de sélection équitable (jurisprudence "Société Armor SNC", CE 2017). Cette exigence impose la publication d’un avis d’appel à manifestation d’intérêt (AMI) ou d’un appel à projets, précisant les critères d’attribution.

Les clauses à anticiper

Le cahier des charges de l’AMI doit prévoir les engagements de production, les contraintes techniques, les modalités de partage de revenus éventuels, les conditions de remise en état du site, et les clauses environnementales (respect de la biodiversité, intégration paysagère, etc.).

Articuler le projet avec les règles d’urbanisme et d’environnement

Même sur foncier public, le projet est soumis à de nombreuses réglementations.

Les autorisations d’urbanisme

Le dépôt d’un permis de construire est souvent nécessaire, sauf exceptions pour les petits projets sur toiture. Il faut vérifier la compatibilité avec le PLU, les servitudes, et les protections spécifiques (sites classés, périmètres monumentaux, etc.).

L’évaluation environnementale

Certains projets doivent faire l’objet d’une évaluation environnementale systématique ou après examen au cas par cas. Cette procédure implique une concertation préalable, une analyse d’incidences, et des mesures compensatoires. Le porteur de projet doit intégrer ces contraintes dès la conception, avec l’appui de la collectivité.

Garantir la cohérence énergétique du territoire

Le développement du photovoltaïque ne peut être abordé isolément : il doit s’intégrer dans une stratégie énergétique cohérente.

Articulation avec le PCAET et les ZAEnR

Le projet doit s’inscrire dans les documents de planification énergétique locaux : Plan Climat Air Énergie Territorial (PCAET), zones d’accélération validées, schémas régionaux. Une coordination étroite entre les services énergie, urbanisme et foncier de la collectivité est indispensable.

Vers des projets d’autoconsommation collective

Certaines collectivités explorent des modèles d’autoconsommation partagée : l’énergie produite alimente directement des bâtiments publics ou des logements. Cela suppose un cadre juridique spécifique, notamment la création de Personnes Morales Organisatrices (PMO) et la contractualisation avec les gestionnaires de réseau.

Conclusion

Accueillir une centrale photovoltaïque sur un terrain public ne s’improvise pas. Statut du foncier, procédure de sélection, outils contractuels, contraintes réglementaires : chaque étape doit être pensée avec rigueur. En s’appuyant sur une ingénierie juridique solide, les collectivités peuvent devenir des acteurs moteurs de la transition énergétique, tout en sécurisant leurs engagements sur le long terme.

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